Analyses et cartographie
Sonya Richmond, Andrew R. Couturier, Philip D. Taylor, et Denis Lepage
Résumé
Nous avons utilisé deux approches pour essayer de définir les centres de répartition et d’abondance pour environ 240 espèces pour lesquelles nous avions suffisamment de données. D’abord, nous avons utilisé toutes les données de l’atlas, y compris les données de dénombrement par point et les renseignements liés aux efforts de recherche, pour modéliser et cartographier les chances de trouver les espèces après 20 heures de recherche dans un carré de 10 km, la probabilité d’observation ou POb (que l’on prononce P-Ob). Puis, à l’aide des données de dénombrement par point seulement, nous avons calculé l’abondance dans les carrés de 10 km où les espèces ont été observées par dénombrements ponctuels. Les cartes de POb indiquent dans quelle mesure il est probable de trouver une espèce à n’importe quel endroit de la province. Une espèce a été prévue pour apparaître dans un carré non répertorié si ce carré repose dans l’aire de répartition de l’espèce, s’il partage les caractéristiques biogéoclimatiques avec les aires où l’espèce est observée, et s’il comprend la tranche d’altitude à laquelle l’espèce se trouve en Colombie-Britannique. Les couleurs plus foncées sur les cartes POb indiquent des zones où il est plus probable de trouver un oiseau. Les POb portent sur l’abondance et, pour certaines espèces, les POb peuvent indiquer l’abondance de façon précise. Mais pour d’autres espèces, cela n’est pas vrai. D’où la nécessité de combiner les PObs avec l’abondance réelle afin d’identifier les centres principaux de population, qui sont décrits dans les textes de compte rendu des espèces par régions biogéographiques, types généraux de climat et de végétation et tranches d’altitude.
Probabilité d’observation
Qu’est-ce que la probabilité d’observation?
La « probabilité d’observation » est une mesure de détectabilité qui peut être utilisée pour indiquer la répartition et l’abondance des oiseaux dans des atlas ornithologiques. Ce paramètre comprend des informations sur l’abondance des oiseaux, ainsi que le temps qu’un observateur mettra pour repérer une espèce déterminée (c.-à-d. l’effort de recherche). Le concept est simple : lorsque nous regardons toutes les espèces, tous les carrés, et tous les observateurs, il est plus facile de trouver les espèces moyennement abondantes que les espèces plus rares. Dans un projet de cette envergure, il existe pour chaque espèce plusieurs observations et évaluations correspondantes d’effort de recherche, qui nous permettent d’obtenir des estimations raisonnables sur la facilité requise pour trouver une espèce. Cette approche est pratique parce qu’elle fournit des évaluations qui sont comparables entre les carrés pour des situations où l’effort de recherche n’est pas égal entre ceux-ci, lorsque certains carrés n’ont pas été inventoriés, lorsqu’il y a eu un grand nombre d’observateurs, et lorsqu’il a pu être difficile d’évaluer avec précision le nombre total d’individus présents dans tous les emplacements de dénombrement par point en raison des variations de la structure des habitats ou des comportements reproducteurs. L’évaluation de probabilité fournie par la mesure de PObs est par conséquent pratique pour identifier les secteurs centraux des aires de répartition d’une espèce, après avoir pris en compte les différences entre les conditions de recensement et géographiques.
Nous avons utilisé des données recueillies par des observateurs pendant des recherches dans des carrés de 10 kilomètres et pendant des dénombrements par points de cinq minutes pour construire des modèles de prédiction sur la probabilité de repérer chaque espèce dans toutes les zones de la province, dans un délai établi (20 heures). Les valeurs de prédiction du modèle sont ce que nous avons défini comme étant la Probabilité d’observation (ci-après dénommée PObs).
Cartographie et interprétation de la probabilité d’observation
Des facteurs écologiques comme la température, l’humidité et les sols déterminent la répartition et la quantité des habitats, et par conséquent des oiseaux. Nous avons intégré cinq variables topographiques dans nos modèles de prévision de PObs qui sont étroitement associées avec les facteurs écologiques suivants : la latitude, la longitude, l’altitude, la pente, et l’aspect. Le fait d’intégrer des variables écologiques dans les modèles nous a permis de faire de meilleures prédictions pour des carrés qui n’avaient jamais réellement été inventoriés par des observateurs. Par exemple, si le modèle de PObs d’une espèce était élevé dans des carrés avec une série de conditions topographiques spécifiques, le modèle arrivait à prédire des PObs élevés dans les carrés comportant des conditions similaires, même s’ils n’avaient pas été inventoriés.
Les valeurs de PObs établies étaient produites à l’aide de modèles additifs généralisés (MAG) avec la distribution binomiale. Dans ce type de modélisation, la variable réponse est modélisée comme une fonction des variables explicatives lissées, et le degré de lissage appliqué à chaque variable explicative peut être ajusté. Pendant le processus de modélisation, nous avons tenté des expériences avec une variété de valeurs de lissage, et pour chaque espèce nous avons choisi la valeur de lissage qui produisait la meilleure correspondance statistique ou qui correspondait le plus étroitement aux données d’expert pour la répartition de l’espèce. Intégrer des couches cartographiques détaillées de l’habitat dans les modèles dépassait la portée computationnelle d’un projet de cette envergure, pour certaines espèces donc, d’autres ajustements pour les valeurs de PObs prévues étaient nécessaires. Ces modifications comprenaient la limitation des répartitions des espèces qui n’habitent pas Haida Gwaii, des espèces qui n’entrent pas plus de 1 km dans les terres à partir des eaux océaniques, et des espèces non observées dans des zones biogéoclimatiques et régions géographiques spécifiques comme la chaîne Côtière. De plus, toutes les espèces qui vivent dans les champs de glace permanents en haute altitude ont été exclues pour l’ensemble de la province. Les cartes de PObs produites à partir de ces modèles sont appropriées pour titrer de grandes conclusions sur la probabilité d’observer une espèce dans un secteur donné, mais elles ne devraient pas être utilisées seules pour faire des prévisions à petite échelle à savoir quel habitat ou caractéristique une espèce est associée, parce que ces variables n’étaient pas comprises dans le processus de modélisation.
Les données ont été modélisées et reproduites à une échelle de 1 kilomètre carré pour produire des cartes détaillées. Les valeurs de PObs prévues partent de zéro (l’espèce ne sera vraisemblablement pas observée après 20 heures d’effort) à un (l’espèce sera observée avec certitude après 20 heures d’effort). Une valeur de 0,5 indique qu’il y a une chance prévue de 50 % de trouver l’espèce après 20 heures d’effort, et ainsi de suite. La plage des valeurs de PObs est décrite sur les cartes en échelon de 10 % à l’aide d’une échelle de couleur graduée, où les couleurs plus foncées indiquent une probabilité accrue d’observer l’espèce après 20 heures d’effort de recensement. Les zones blanches de la carte indiquent une probabilité d’observation de zéro ou près de zéro.
Comme tous les exercices de modélisation, le lecteur devrait interpréter les résultats avec une bonne dose de prudence et se rappeler que les résultats fondés sur des modèles sont aussi bons que les données utilisées pour les créer. Les utilisateurs devraient faire relativement preuve de moins de confiance dans les prédictions pour une portion de la carte où de grandes lacunes existent en matière de couverture. Deuxièmement, la représentation à petite échelle des PObs sur les cartes, décrivant une présence d’oiseaux très précise en fonction de la topographie, peut mener certains lecteurs à tirer des déductions qui ne sont pas justifiées. Malgré le niveau de détails illustrés, l’objectif principal des cartes est de fournir une perspective provinciale de la répartition et de l’abondance relative des oiseaux; et non de tirer des conclusions à l’échelle locale. Les utilisateurs sont donc invités à ne pas faire de zoom avant de trop près lorsqu’ils font des inférences sur les cartes.
Probabilité d’observation : contrôle de la variation dans l’effort
En utilisant des données de carrés qui ont été visités au moins une fois pendant la période de l’atlas, nous avons évalué la relation entre la quantité d’effort déployée pour la recherche et la probabilité d’observer une espèce définie. Les valeurs évaluées pour l’effort ont été calculées à l’aide de courbes cumulatives d’espèces – courbes cumulatives d’effort, parce que plusieurs carrés n’affichaient pas de données relatives à l’effort. Nous avons ensuite utilisé cette relation estimée pour prédire la probabilité d’observer chaque espèce pour un niveau d’effort constant.
Pendant la première année au cours de laquelle chaque carré a été visité, nous avons compilé une liste d’espèces qui ont été observées et l’effort total qui a été déployé par tous les observateurs. Nous avons ensuite déterminé, pour chaque année suivante au cours de laquelle un carré était visité, quelles nouvelles espèces étaient observées et quel effort supplémentaire les observateurs déployaient collectivement avant de pouvoir observer la nouvelle espèce. Nous avons compilé ces listes d’espèces et mesures d’effort pour chaque carré et chaque année de visite, puis nous avons analysé les données pour chaque espèce séparément. Pour chaque carré et chaque année, les données comprenaient l’effort total déployé pour l’observation dans ce carré jusqu’à ce jour, ainsi que la présence (c.-à-d. déjà observé) ou l’absence (c.-à-d. non observé) de l’espèce.
De quelle façon la probabilité d’observation est-elle liée à l’abondance?
Même si les PObs nous indiquent s’il est probable ou non de trouver une espèce dans un carré, cela ne reflète pas nécessairement l’abondance réelle en ce qui concerne les couples reproducteurs ou la densité relative. Cela est particulièrement vrai pour les espèces abondantes. Si la taille de la population de merles d’Amérique diminuait par exemple de moitié, il y aurait un impact faible, s’il y en avait un, sur la probabilité d’observer l’espèce après 20 heures d’effort. En fait, les espèces abondantes seront presque toujours détectées après 20 heures d’effort, et la statistique de PObs n’est pas très touchée par les très grands changements de population. Inversement, les dénombrements par point représentent habituellement une somme minime d’effort par rapport à la taille du carré (habituellement entre 10 à 15 recensements de 5 minutes), et ils sont donc utilisés de manière fiable uniquement pour les espèces les plus communes.
Pour l’Atlas des oiseaux nicheurs des maritimes (Stewart et coll. 2015), nous avons cartographié l’abondance à partir de données de dénombrements ponctuels, en utilisant une méthode très similaire à celle utilisée pour les cartes PObs. Plutôt que d’ajuster des modèles aux PObs, nous avons ajusté des modèles indiquant la latitude, la longitude et l’altitude selon le dénombrement moyen pour chaque espèce dans tous les dénombrements ponctuels pour un carré donné. De plus, nous avons intégré dans ces modèles les PObs estimées de l’espèce (comme décrit ci-dessus) pour tenir compte de la probabilité qu’une espèce soit probablement présente, mais non observée pendant le dénombrement ponctuel court et non en dehors de son aire de répartition prévue. Les estimations d’abondance de ces modèles ont ensuite été cartographiées pour chaque espèce, comme décrit dans les modèles de PObs ci-dessus. Dans les Maritimes, les valeurs de PObs estimées ont été positivement corrélées avec les estimations d’abondance des dénombrements ponctuels, fortement pour les espèces moyennement abondantes, mais moins pour les espèces peu ou très abondantes (Stewart et coll. 2015).
Nous avons essayé le même processus pour cartographier l’abondance en Colombie-Britannique, mais les modèles n’offraient pas de bonnes prédictions au-delà des carrés recensés de 10 km. Nous croyons que cela est dû aux immenses variations de conditions topographiques de l’ensemble de la province et à la difficulté de saisir adéquatement cette variation à l’aide de dénombrements ponctuels. Nous avons conclu que les modèles de PObs produisent les représentations les plus complètes, précises et informatives, au niveau visuel, de la répartition et de l’abondance relative des oiseaux de la Colombie-Britannique. Nous explorons les possibilités pour cartographier l’abondance relative quantitative dans certaines régions qui ont été recensées plus en détail, et ces cartes seront publiées en ligne au fur et à mesure qu’elles seront disponibles.
Probabilité d’observation par région de conservation des oiseaux, écoprovince, et zone biogéoclimatique
Afin de résumer les valeurs de PObs pour chaque espèce, les valeurs moyennes de PObs ont été calculées pour chaque zone biogéoclimatique, chaque région de conservation des oiseaux (RCO), et chaque écoprovince et présentées dans des diagrammes à barres spécifiques à l’espèce. Les zones biogéoclimatiques sont des secteurs aux caractéristiques climatiques et aux types de forêt-climax similaires. Il existe 16 de ces zones en Colombie-Britannique. Les régions de conservation des oiseaux ressemblent aux zones biogéoclimatiques, mais sont mises à l’échelle pour une utilisation par les professionnels de la conservation de l’ensemble du continent. Il existe cinq RCO en Colombie-Britannique. Les écoprovinces sont des secteurs avec des climats et des traits de reliefs importants similaires, comme les plateaux, les chaînes de montagnes et les vallées, et on retrouve neuf de ces régions en Colombie-Britannique. Lorsque prises en compte globalement, les figures indiquant les valeurs de PObs moyennes dressent un portrait des conditions climatiques et physiographiques générales dans lesquelles il est le plus et le moins probable de trouver une espèce.
Analyse de l’abondance des espèces
Pour identifier les centres d’abondance de chaque espèce, les résultats de la modélisation PObs ont été comparés de façon qualitative aux valeurs d’abondance calculées à partir des dénombrements ponctuels de l’atlas pour des tranches d’altitude de 250 m, pour des types généraux de climat et de végétation et pour un vaste paysage. Les calculs ont été légèrement différents pour les tranches d’altitude et le type de paysage/climat et végétation, afin d’obtenir le paramètre le plus significatif pour une utilisation de l’altitude à l’échelle provinciale et l’abondance locale par type de paysage/climat et végétation.
Abondance par tranche d’altitude
Des diagrammes d’altitudes spécifiques à l’espèce ont été tracés en utilisant les données de dénombrements ponctuels et les formes rares d’espèces de toutes les écoprovinces ont été enregistrées; tous les points de recensement où les espèces n’ont pas été observées dans ces écoprovinces ont reçu une valeur de zéro. Les sites de dénombrement ponctuel ont été assignés à une catégorie d’altitude par tranche de 250 m. La « Présence (%) » (valeurs de l’axe y) a été calculée à partir du nombre de points où l’espèce est apparue pour chaque tranche d’altitude divisée par le nombre total de points observés dans cette tranche d’altitude, dans les écoprovinces où l’espèce est apparue multiplié par 100. L’abondance moyenne a été calculée en faisant la moyenne de toutes les valeurs de dénombrement (y compris les zéros) pour chaque catégorie d’altitude; les valeurs d’abondance relative plus élevées sont représentées par des couleurs bleu plus foncé dans les figures, et une moyenne de zéro indique que la valeur est plus petite que 0,01, mais plus grande que 0. La taille de l’échantillon (n = sur chaque barre) dans les figures indique le nombre de points avec des observations positives de l’espèce pour chaque catégorie d’altitude. Des diagrammes à barres ne sont pas fournis pour toutes les espèces. Si une espèce ne possède pas de diagrammes à barres pour l’altitude, c’est parce que la taille de l’échantillon était trop petite pour être utile ou parce que la méthode de dénombrement ponctuel n’était pas un moyen approprié pour faire l’échantillonnage de l’espèce.
Figure 1. Abondance de la paruline flamboyante par tranche d’altitude de 250 m. Le nombre de dénombrements ponctuels pour lequel l’espèce a été enregistrée pour chaque catégorie d’altitude est indiqué par « n= » au-dessus de chaque barre.
Abondance par écoprovince et par zone biogéoclimatique
Les diagrammes spécifiques à des espèces montrant l’abondance moyenne ont été produits à l’aide de données de dénombrements ponctuels et de formes rares d’espèces de toutes les écoprovinces où les espèces ont été enregistrées. Pour tous les carrés de 10 km dans ces écoprovinces où les espèces ont été observées, les dénombrements ponctuels observés où il n’y a pas eu de présence ont reçu une valeur de zéro. Les valeurs « d’abondance moyenne » (axe x) ont été calculées comme le nombre total d’individus de cette espèce divisé par le total de points observés dans les carrés où elle a été observée. La taille de l’échantillon (n = sur chaque barre) dans les figures indique le nombre de points avec des observations positives de l’espèce pour chaque écoprovince. Des diagrammes spécifiques à des espèces montrant l’abondance moyenne par zone biogéoclimatique ont également été produits, à l’aide de la même procédure que celle utilisée pour les résumés des écoprovinces. Les diagrammes d’abondance moyenne sont fournis uniquement pour les 240 espèces ayant des tailles d’échantillon assez importantes pour que ces résumés soient utiles.
Figure 2. Abondance de la paruline flamboyante par écoprovince (à gauche) et les zones biogéoclimatiques (à droit). Veuillez noter que le paramètre de l’abondance moyenne est le nombre d’individus par dénombrement ponctuel dans des carrés de 10 km et observations de l’espèce.
Référence
Stewart, R.L.M., K.A. Bredin, A. Couturier, A. G. Horn, D. Lepage, S. Makepeace, P.D. Taylor, M.A. Villard, et R.M. Whittam (eds). 2015. Deuxième atlas des oiseaux nicheurs des Maritimes. Études d’Oiseaux Canada, Environnement Canada, Natural History Society of Prince Edward Island, Nature Nouveau-Brunswick, Ministère des ressources naturelles du Nouveau-Brunswick, Nova Scotia Bird Society, Ministère des ressources naturelles de la Nouvelle-Écosse, et Prince Edward Island Department of Agriculture and Forestry, Sackville, N.B.
Citation
Richmond, S., A.R. Couturier, P.D. Taylor et D. Lepage. 2015. Analyses et cartographie, dans Davidson, P.J.A., R.J. Cannings, A.R. Couturier, D. Lepage, et C.M. Di Corrado (eds.). 2015. Atlas des oiseaux nicheurs de Colombie-Brittanique, 2008-2012. Études d’Oiseaux Canada, Delta, B.C. < http://www.birdatlas.bc.ca > [la date d’accès].