Introduction

Dick Cannings et Pete Davidson

 

Pourquoi les oiseaux?

Nous entretenons des rapports avec les oiseaux. Ils sont comme nous. Ils vivent le jour, ils communiquent entre eux à l’aide de sons complexes et ils portent des habits colorés. Nous partageons leur monde sensoriel, et leurs chants peuvent s’intégrer à la trame sonore de nos vies. Avec un peu d’effort, nous pouvons apprendre à les identifier en se servant des mêmes indices qu’ils utilisent pour se reconnaître.

Les oiseaux nous font réaliser que le monde naturel n’est pas un monde isolé du monde humain; et que ces mondes ne font qu’un. Et ce constat nous rappelle les impacts que notre civilisation peut avoir sur la biosphère qui nous nourrit, les oiseaux et tous les autres êtres vivants. Rachel Carson a écrit « Printemps silencieux » en 1962 pour alerter le monde au sujet des effets insidieux et répandus des DDT et des autres pesticides. En choisissant le titre, elle n’a pas mis l’accent sur les milliards de poissons qui sont empoisonnés ou sur les contaminants qui se retrouvent dans la graisse de baleine. Elle a tout simplement utilisé notre amour des oiseaux pour émettre un avertissement concis de deux mots.

Partout où vous allez, il y a des oiseaux : des lagopèdes qui se cachent dans les rochers alpins, des macareux qui plongent dans les profondeurs de l’océan, des râles qui lancent leurs appels de marais impénétrables, et des pigeons qui roucoulent au sommet des édifices du centre-ville. Et partout où il y a des oiseaux, il y a des gens pour les observer, comme depuis des millénaires, qu’il s’agisse de marins ou de fermiers, de naturalistes amateurs ou d’artistes. Les gens ont d’excellents motifs pour apprécier les oiseaux et s’en préoccuper avec grand intérêt.

Parce que les populations d’oiseaux sont diversifiées et abondantes, et parce qu’elles utilisent une grande variété d’habitats, leurs nombres et leurs comportements sont des indicateurs de la santé des écosystèmes qu’elles habitent. Et parce qu’il y a une armée d’ornithologues amateurs disposée à compter les oiseaux quotidiennement, il nous est possible d’obtenir des estimations et tendances représentatives des populations d’oiseaux, et même de comprendre pourquoi certaines populations sont en hausse et d’autres en déclin. Il n’est pas possible de faire de même avec tout autre groupe d’animaux. La majorité des mammifères sont de petites tailles, de couleurs cryptiques, difficiles à identifier et nocturnes. Les reptiles et les amphibiens, en Colombie-Britannique du moins, ne sont pas suffisamment variés pour nous informer au sujet d’une grande variété d’habitats, alors que les insectes sont beaucoup trop différents et difficiles à identifier. Les poissons vivent entièrement en milieu aquatique et il est presque impossible de les compter sans les capturer. Comme groupe, seuls les oiseaux nous offrent la possibilité d’évaluer la santé générale des écosystèmes.

 

Super, Natural British Columbia

La Colombie-Britannique est réellement un endroit merveilleux. La beauté de ses paysages est légendaire. Ce qui place la province dans une catégorie différente de tous les autres endroits de l’Amérique du Nord et de toutes les zones tempérées du monde est possiblement sa diversité. Les forces tectoniques qui ont façonné la Colombie-Britannique ont créé une multitude de chaînes de montagnes et les éons de vent, de pluie et de neige les ont érigés en systèmes complexes de plateaux, de vallées, de canyons et de plaines inondables. Les chaînes de montagnes portent les marques des tempêtes du Pacifique qui frappent de l’ouest et divisent la province en bandes climatiques de chaud et de froid, d’humidité et de sécheresse.

Le macrogeology de la Colombie- Britannique (grandes chaînes, des plateaux et des drainages), reproduit à partir de British Columbia: A Natural History publiée par Greystone Books (une division de Heritage Publishing), avec l’aimable autorisation des auteurs.

 

Ces interactions géologiques, climatiques et historiques ont produit une variété étonnante de vie naturelle, des riches courants froids de l’océan Pacifique coulant entre les îles et les péninsules couvertes de majestueuses forêts ombrophiles, aux prairies marquées de cactus des vallées arides du sud, aux plateaux centraux tapissés de pins et d’épinettes, et finalement, vers les hauts sommets, où les plantes en coussinet et les alouettes reposent dans les terres nues. Avec la diversité des habitats vient la diversité des espèces et plus d’espèces d’oiseaux vivent en Colombie-Britannique que dans toute autre province ou tout autre état d’Amérique du Nord, en dehors du Texas.

Cette diversité du milieu a donné du fil à retordre aux écologistes qui ont tenté de dresser la carte des écosystèmes de la Colombie-Britannique. Vladimir Krajina a dessiné l’une des premières cartes zonales modernes complètes en Amérique du Nord avec son concept de zones biogéoclimatiques de la Colombie-Britannique dans les années 1960. Le système de Krajina rassemblait une combinaison de données sur le climat, les sols et les plantes dominantes pour définir 16 zones pouvant identifier les écosystèmes possibles de la province. Dans les années 1990, Dennis Demarchi a établi une classification écorégionale qui a réuni le climat et la géographie physique pour définir neuf écoprovinces importantes et un nombre beaucoup plus élevé de sous-régions dans la province. Réunis, ces deux concepts contribuent grandement pour expliquer les distributions de plusieurs espèces d’oiseaux, particulièrement lorsqu’ils sont combinés à la cartographie à plus petite échelle des habitats.


 

Les écoprovinces et les zones biogéoclimatiques de la Colombie-Britannique, reproduit à partir de British Columbia: A Natural History publiée par Greystone Books (une division de Heritage Publishing), avec l’aimable autorisation des auteurs.

 

Plusieurs impacts importants se sont fait sentir sur les écosystèmes de la Colombie-Britannique au cours du dernier siècle ou plus anciennement. La majorité du développement agricole et urbain s’est produite sur les terrains de niveau et les terres riches des fonds de vallées, précisément là où se trouve la plus grande biodiversité de la province. Les fonds de vallées ont également été touchés dans certaines parties de la province par de grands projets hydroélectriques, qui remplacent les riches plaines inondables par de grands réservoirs.

Une grande partie des forêts de la Colombie-Britannique a été récoltée, entraînant une perte significative de forêts plus anciennes et une augmentation importante de forêts plus jeune dans le territoire. Plusieurs espèces d’oiseaux et autres espèces fauniques sont étroitement liés à certains âges des forêts. Ces changements ont donc une incidence directe sur les espèces qui vivent en forêt. Parce que la majorité des forêts récoltées seront de nouveau récoltées avant d’atteindre l’état de forêt mature qu’elles arboraient autrefois, la diversité générale de la faune forestière demeurera faible.

Au cours du dernier siècle, les températures hivernales moyennes ont augmenté de 2 °C et les températures estivales de 1 °C. Les projections des changements climatiques indiquent que cette tendance va se poursuivre, avec des hivers plus courts, plus chauds et plus humides, et des étés plus longs, plus chauds et plus secs. Cette combinaison a déjà déclenché la plus grande épidémie de dendroctones du pin ponderosa (Dendroctonus ponderosae) de l’histoire, qui a détruit plus de 18 millions d’hectares de forêts entre 1999 et aujourd’hui. Les forêts frappées par la sécheresse sont vulnérables aux incendies catastrophiques de l’été, particulièrement dans les forêts sèches de l’intérieur. Les projections climatiques donnent à penser que la zone biogéoclimatique de cèdres et de pruches de l’intérieur va s’agrandir fortement au cours du prochain siècle, comme le fera la zone de graminée cespiteuse, alors que les zones de toundra diminueront grandement au fur et à mesure que la limite des arbres va s’accroître dans la province. Les régimes d’écoulement des cours d’eau seront également touchés, avec des crues printanières moins volumineuses et plus hâtives, de plus longues périodes d’étiages estivaux, et plus d’inondations en hiver.

 

Conservation des oiseaux de la Colombie-Britannique

Le premier rapport concernant la santé des populations d’oiseaux du Canada, couvrant les 40 dernières années ― L’état des populations d’oiseaux du Canada 2012 ― comportait deux messages essentiels. L’un des messages disait que près de la moitié des espèces d’oiseaux du Canada affiche des diminutions de population importantes, et que nous devons découvrir rapidement la cause de ces déclins et prendre les mesures nécessaires pour stabiliser et même augmenter ces populations. Le deuxième message précisait qu’environ un tiers des espèces d’oiseaux du Canada augmente en nombre, plusieurs d’entre elles étant des espèces d’oiseaux de proie et de sauvagines qui avaient connu des déclins importants au cours du dernier siècle. Lorsque nous pouvons identifier les causes reliées au déclin des populations et que nous possédons le courage politique de corriger la situation, les résultats peuvent être spectaculaires. Les populations de faucons, d’aigles, de balbuzards pêcheurs et de buses ont fortement diminué après l’introduction du DDT dans les écosystèmes canadiens, mais presque toutes les espèces ont retrouvé leur niveau après que l’utilisation de DDT soit interdite dans les années 1970. Les populations de sauvagines ont diminué pendant le début des années 1900 en raison de la chasse excessive et de la perte d’habitats marécageux, mais la plupart des sauvagines sont clairement de retour après un ajustement de la réglementation de la chasse et la mise en place de mesures courageuses pour la restauration des marais et des étangs.

  

Trois quarts des oiseaux du Canada sont des oiseaux migrateurs. Ils volent vers le nord au printemps pour profiter des longues journées de l’été canadien et des hordes de moustiques pour élever leur progéniture, puis ils retournent dans les régions plus chaudes des Amériques lorsque le Canada est recouvert de neige. Certains, dont plusieurs espèces de canards, de grèbes et de mouettes, passent l’hiver sur la côte de l’océan Pacifique en Colombie-Britannique, puis se dirigent vers l’est dans les Prairies canadiennes pour nicher. La conservation des oiseaux au Canada nécessite ainsi une approche véritablement coopérative, regroupant presque chaque pays, état et provinces des Amériques. Et cela ne se résume pas seulement aux gouvernements; les personnes, les sociétés, et les organismes non gouvernementaux doivent également remplir leurs rôles, parce que chacun a des forces particulières.

Les gouvernements ont la responsabilité d’assurer la conservation par des dispositions législatives importantes comme la Loi de 1994 sur la convention concernant les oiseaux migrateurs, la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur les parcs nationaux du Canada, et les lois de la Colombie-Britannique : la Wildlife Act, la Forest and Range Practices Act, et la Protected Areas of British Columbia Act. Le travail des gouvernements fédéraux et provinciaux devient de plus en plus réglementé par l’entremise de politiques comme les évaluations environnementales, et leurs budgets pour les travaux en matière de conservation sont de plus en plus limités.

Les organisations non gouvernementales (ONG), ayant pour mission la sensibilisation et la conservation de la faune et des habitats, remplissent divers rôles allant de l’initiation à l’environnement à la gestion de la conservation et l’acquisition de terres. Plusieurs ONG possèdent maintenant de grandes bases de membres et de donateurs, ainsi que la capacité de gérer et restaurer des habitats, d’effectuer un travail de surveillance et de sensibilisation, et de plaider en faveur de pratiques et de processus améliorés en matière de conservation. Quelques ONG internationales jouissent d’une position privilégiée pour promouvoir la conservation dans plusieurs zones ou toutes les zones de populations d’oiseaux migrateurs, par l’entremise d’initiatives comme le programme Zones importantes pour la conservation des oiseaux de BirdLife International et le Réseau de réserves pour les oiseaux de rivage de l’hémisphère occidental.

Le secteur de l’industrie doit assumer ses responsabilités en matière de réglementation en ce qui concerne la planification et l’exploitation des ressources naturelles, et la modification des habitats reliée au développement. Les sociétés ont des obligations envers les membres et les actionnaires, et plusieurs plans d’affaires du secteur industriel favorisent la durabilité écologique et la responsabilité environnementale. Les incidences à grande échelle que peuvent avoir les industries sur les caractéristiques des habitats et des sites les placent dans une position privilégiée pour sauvegarder les efforts en matière de conservation, par l’entremise de pratiques exemplaires et de stratégies appropriées de planification et d’atténuation.

  

Le rôle des personnes varie du don de ressources ou d’équipements au don de leur temps comme bénévoles. L’observation de la faune, particulièrement l’observation des oiseaux, est l’un des passe-temps les plus populaires pour les Nord-Américains, les Canadiens et les Britanno-Colombiens. Les ornithologues amateurs de partout dans le monde aiment s’adonner à leur passion avec un but précis et rallier les troupes lorsque l’occasion se présente pour contribuer à un important relevé d’oiseaux. Connus familièrement sous le nom de « citoyens scientifiques », ces naturalistes amateurs, prêts à offrir leurs connaissances et leur expertise, constituent la base d’une multitude de recherches et de suivis actuels.

L’une des plus grandes formes de science citoyenne la plus sophistiquée et la plus respectée est l’effort d’inventaire. Le modèle de gestion utilisé pour la rédaction d’un atlas ornithologique au Canada réunit de multiples intervenants de chacun de ces secteurs, en combinant les atouts complémentaires dans un objectif commun de recherche et de gérance. Depuis la population jusqu’aux échelons supérieurs du gouvernement, tous sont réunis derrière une force positive pour les oiseaux.

 

Le rôle d’un atlas ornithologique au 21e siècle

Le premier atlas ornithologique a été rédigé en Grande-Bretagne et en Irlande dans les années 1960. Des centaines d’observateurs d’oiseaux ont fouillé tous les habitats de tous les oiseaux, noté ce qu’ils ont trouvé sur des bouts de papier et promptement posté ces derniers à un bureau de coordination centralisé, afin de regrouper manuellement ces renseignements sur des cartes combinées. Depuis, des centaines d’atlas ont vu le jour autour du monde, couvrant des régions de la grosseur de petits districts jusqu’à de grands pays. La plupart sont maintenant rédigés selon des normes internationales de rigueur scientifique qui ont mérité le respect généralisé des gestionnaires de la conservation, des décideurs, des chercheurs et du grand public. L’Europe étend en ce moment le cadre de coordination territoriale à la prochaine frontière et se lance dans la rédaction d’un atlas ornithologique à l’échelle du continent.

Au cœur de chaque atlas d’oiseaux se trouve le bénévolat. Cela n’a pas changé depuis plus d’un demi-siècle. Si ce n’était de l’esprit de dévouement qui anime la communauté mondiale d’observateurs d’oiseaux, esprit puisé de la croyance que leur effort en vaut le coup, les atlas d’oiseaux ne pourraient prendre forme. Ce qui a commencé par les oiseaux s’étend maintenant à d’autres atlas d’animaux et de groupes de plantes, mais les atlas ornithologiques demeurent les plus efficaces, simplement à cause du nombre de personnes ayant les connaissances et les compétences pour contribuer à la tâche.

Ce qui a évolué sensiblement, plus particulièrement au cours des 15 dernières années, est l’utilisation ingénieuse de la technologie et de l’environnement internet numérique pour améliorer la façon dont les atlas et les autres programmes de surveillance des oiseaux sont gérés. La coordination et la planification sont la partie la plus longue et la plus coûteuse d’un projet d’atlas. Cet aspect est devenu beaucoup plus efficace avec l’arrivée des communications électroniques et des plateformes Web pour saisir, réviser et cartographier des données en temps réel. Il est motivant pour les contributeurs de voir leurs efforts remplir des espaces blancs sur des cartes de répartition aussitôt que leurs données sont traitées, et pour les coordonnateurs régionaux bénévoles de voir que leurs régions se dirigent de plus en plus près de leurs objectifs de répartition. Le processus d’évaluation des renseignements est grandement simplifié par un réseau complexe de mécanismes de contrôle intégrés. Et les normes modernes en matière de stockage et d’échange de renseignements permettent de regrouper des ensembles de données externes pour des projets compatibles, ce qui est particulièrement important pour les régions qui sont trop difficiles d’accès pour les bénévoles.

Les améliorations numériques pour la coordination et le stockage des données ont naturellement mené à des produits plus sophistiqués et à un plus grand partage des informations. Des analyses, qui modélisent les données des régions bien surveillées et qui produisent des projections réalistes des régions non visitées, évoluent avec chaque nouveau projet d’atlas. La plupart des spécialistes de l’environnement exécutent leur travail dans l’environnement numérique à l’aide de systèmes d’informations géographiques (SIG). Les tableaux de données sur les espèces avec des emplacements spécifiques et des cartes numériques traitées sont maintenant monnaie courante pour le travail de conservation; les atlas sont au cœur de ce changement. Les données recueillies par externalisation ouverte, comme elles sont maintenant connues, s’avèrent être un outil extrêmement précieux pour comprendre comment et pourquoi les populations d’oiseaux changent, particulièrement là où les programmes sont conçus autour des besoins des contributeurs et des utilisateurs finaux, comme le montre le programme eBird.

Au cours des cinq dernières années seulement, des changements énormes se sont produits dans l’industrie de la publication et la façon dont les gens reçoivent de l’information. Le changement profond de la version imprimée aux appareils électroniques, les ordinateurs personnels et les appareils mobiles particulièrement, a modifié la façon dont la plupart d’entre nous mènent nos activités quotidiennes. La publication d’atlas n’y échappe pas. Le partenariat entourant ce projet d’atlas a pris la décision difficile, mais nécessaire, de passer de la publication sur papier à la publication en ligne, de façon à rendre les produits librement accessibles au plus grand nombre d’utilisateurs et de groupes d’intérêt, d’une manière la plus opportune et rentable possible. En fin de compte, l’intention est de faire avancer les choses pour les oiseaux, par l’entremise de prises de décision plus éclairées et à des fins plus larges qui viennent d’un accès plus rapide et plus simple à des renseignements complets et à jour. Dans les années qui viennent, le partenariat va continuer à utiliser ces données pour le bien des oiseaux de toutes les façons possibles. Si vous en avez l’occasion, veuillez nous écrire et nous proposer de quelle façon vous pourriez participer.

 

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